Accepter SANS Oublier

Tourner une page sur une période de vie...

 Avant d’aborder l’étude de ces étapes du deuil, une mise au point s’impose. Disons que chaque personne vit son deuil à sa manière. Il n’y a pas une façon idéale ou déterminée pour résoudre un deuil. Par ailleurs, les spécialistes du deuil ont discerné, dans la résolution d’un deuil, des moments communs à tous les endeuillés qu’on peut appeler « étapes » au sens large du terme. Ces étapes serviront d’indicateurs permettant d’évaluer l’évolution d’un deuil normal ou de détecter les retards et les blocages d’un deuil pathologique.

 1 . Le choc

 Le choc survient souvent dès qu’on apprend la nouvelle d’une maladie grave ou le décès d’un être cher. On se sent alors consterné et impuissant à décrire ce qui se passe en soi. On a de la peine à entendre et à réaliser ce qui est arrivé. On ne parvient pas à y croire «C’est un vrai cauchemar! », «Ça ne se peut pas! », « Hier encore, il paraissait si bien », etc.

 L’état de choc s’accompagne souvent d’hallucinations. On s’imagine voir le défunt, l’entendre ou même sentir sa présence. Si le choc dure quelques semaines, il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre mesure, mais s’il se prolonge, le deuil prend des dimensions pathologiques.

 Pendant quelques semaines à la suite du décès, les deuilleurs se sentent engourdis et léthargiques. Ce qui ne les empêche pas de se montrer au-dessus de leur deuil devant les visiteurs au salon funéraire. Ils ne pleurent pas. Ils vivent, pour ainsi dire, sur un nuage. Ils manquent cependant de concentration et leur mémoire s’en trouve gelée. Ils commencent à ressentir une lourde fatigue qui rend les tâches quotidiennes pénibles à exécuter. Ils régressent souvent à un état de dépendance semblable à celui de l’enfance. Pas étonnant que les amis leur offrent de les aider à tenir le coup en leur rendant des services tels que leur préparer de la nourriture et faire des tâches domestiques pour eux.

 L’état de choc n’a pas seulement des effets négatifs. De fait il donne aux endeuillés le temps de digérer la dure réalité et de se ressaisir en puisant en eux les ressources nécessaires pour gérer la situation de perte de l’être cher.

 2. Le déni

 Peu après le choc commence la phase du déni ou de la dénégation. Le déni relève soit de l’ordre de la connaissance, soit de l’ordre de l’affectivité ou des deux à la fois. La dénégation sur le plan cognitif pousse à oublier l’événement malheureux et à éviter tout ce qui peut lui rappeler la perte, telle que la référence à l’hôpital, au cimetière, au salon funéraire, etc. Certains deuilleurs tapissent leurs murs de photos du défunt de peur de l’oublier; d’autres gardent intacts sa chambre et ses objets personnels comme s’il vivait encore. Dans le jargon psychologique, on appelle cette conduite « momification » .

 Sur le plan affectif, le déni engendre chez l‘endeuillé, surtout chez les hommes, une incapacité à vivre et à exprimer ses émotions. Il combat la montée de ses émotions en utilisant diverses tactiques : il se tient si occupé qu’il devient hyperactif; il se met à chercher un ou des responsables du décès; il idéalise le défunt il essaie d’imiter la maladie du cher défunt ou encore il cherche à trouver une personne-substitut souvent parmi les membres de sa propre famille pour qu’elle prenne la place du défunt. Parfois, l’endeuillé sera tenté de noyer son deuil ou de geler sa peine dans la boisson, les médicaments ou la drogue. D’autres fois, il se complaira dans des fantasmes de faire réapparaître l’être disparu. Tous ces stratagèmes le soulageront de sa peine de courts instants jusqu’à ce que la dure réalité de la mort le rattrape et l’accable de nouveau.

 3. La ronde des émotions

 Quand les résistances au deuil se mettent à céder, la personne endeuillée se sent submergée par un flot d’émotions et de sentiments divers, tels que l’angoisse, la tristesse, la sensation d’avoir été abandonnée, la colère, la culpabilité et la libération. Ces états d’âme viennent en soi, se retirent puis reviennent comme le flux et le reflux de vagues tout en perdant de leur intensité à chaque venue.

   L’angoisse 

 Au moment où l’endeuillé apprend la mauvaise nouvelle, il se sent envahi par l’angoisse. La réalité de la mort d’un proche lui rappelle sa propre mort qui approche. Il se sent alors désarmé devant son imminence. Il a l’impression d’avoir perdu la maîtrise de sa vie en perdant son être cher. Il prend conscience de ses limites humaines. Il se sent impuissant à changer le cours des choses. Cet état angoissant disparaîtra à condition qu’il accepte ses limites et prenne conscience de son incapacité à sauver l’être aimé.

   La tristesse

 La tristesse est l’émotion typique du deuil. Elle est la douleur d’un coeur auquel on aurait arraché l’objet de son amour. Le mot « peine» qu’on utilise souvent pour désigner la tristesse connote très souvent le sentiment d’être puni ou de subir un châtiment. La tristesse s’exprime normalement par des pleurs. Elle se fait parfois si intense qu’elle plonge l’endeuillé dans un état de désolation au point de désirer mourir pour aller rejoindre dans la mort l’être aimé.

   La colère

La colère sourde dans le deuil prend souvent la forme plus ou moins consciente d’une protestation contre le défunt à qui l’endeuillé reproche de l’avoir abandonné. Rares sont ceux qui osent laisser libre cours à leur colère.  Souvent, la colère se déplacera sur les autres. L’endeuillé en colère s’efforcera de trouver un ou des coupables de cette tragédie personnelle. Il s’en prendra aux soignants ou aux proches; il les blâmera de ne pas avoir prodigué au moribond tous les soins nécessaires. Pour d’autres, leur colère se retournera contre eux-mêmes; ils seront submergés par un sentiment de culpabilité.

    La culpabilité

 Le sentiment de culpabilité qui afflige l’endeuillé ne revêt pas toujours un caractère indésirable car toute séparation ou tout deuil engendre un sentiment de saine culpabilité. Ainsi, la séparation d’un conjoint bien-aimé, par exemple, fait souvent naître, chez l’autre, une conscience plus vive de ses manques d’amour. L’endeuillé se sentant coupable, se posera des questions comme celles-ci « Lui ai-je assez parlé? Lui ai-je assez dit que je l‘aimais? Ai-je tout fait pour le sauver de la mort ? »

 Il y a sans doute quelque chose d’excessif dans les reproches qu’il se fait. La manière d’atténuer la crise de culpabilité, chez le survivant, est de reconnaître ses limites devant la mort ainsi que son incapacité d’aimer d’un amour parfait en tout point.

  La sensation d’être libre

 Beaucoup d’endeuillés n’osent pas éprouver ce sentiment de libération après la mort de l’être cher. Ils s’en voudraient de laisser croire aux proches et aux amis qu’ils voulaient se débarrasser d’un être encombrant. Prenons l’exemple d’un grand malade que l’on a gardé jour et nuit. Les soignants épuisés ne ressentent-ils pas une vraie délivrance au moment de la mort du moribond?

 D’ailleurs, entretenir les liens d’intimité demeure toujours une chose difficile et engageante. N’est-il pas normal et sain pour les intimes de ressentir un sentiment de libération à la mort lente et éprouvante d’un être, si cher soit- il? Plusieurs ne comprennent pas qu’on puisse être habité à la fois de nombreux sentiments contradictoires tristesse et libération, amour et haine, peur et désir d’intimité, etc.

   Les Lamentations

 L’expression des émotions tire à sa fin au moment des Lamentations qui s’avère un tournant dans la résolution du deuil. À ce stade, la personne en deuil acquiert une vive et pleine conscience de la perte définitive de l’être aimé. 

 Elle laisse s’envoler le dernier espoir de son retour. Elle réalise que l’aimé est bien parti et qu’elle ne le reverra plus. Sa tristesse se change alors en « lamentations». J’appelle Les lamentations le moment précis de la conscience de la perte. Il se reconnaît à l’intensité de la douleur transformant les pleurs en lamentations.

 Puis, à la suite de cette éclatante décharge émotive, l‘endeuillé éprouve une profonde paix souvent accompagnée d’expériences-sommet il se sent soutenu par des êtres spirituels ou il se voit baigné dans un flot de lumière réconfortante. C’est alors qu’advient, chez lui, en même temps, la pleine conscience de la gravité de sa perte et l’acceptation du départ irrévocable de la personne aimée.

 La difficulté principale que les thérapeutes éprouvent lors du traitement des émotions, c’est que beaucoup de deuilleurs ne possèdent pas un large répertoire d’émotions et de sentiments pour s’exprimer.

 Ils ont des émotions «trafiquées », c’est-à-dire qu’ils ont des émotions de surface qui cachent leurs réelles émotions. Parfois, c’est de la tristesse qu’ils manifestent alors qu’en dessous, c’est de la colère qu’ils couvent; ou bien ils manifestent de la colère, mais au fond ils vivent de la tristesse. Voici des exemples d’émotions et de sentiments « trafiqués» des rires nerveux pour de l’angoisse; le sentiment de culpabilité pour le sentiment de libération; des plaintes pour de la colère; de la joie pour des regrets, et ainsi de suite. Les endeuillés ont recours à ce stratagème parce que leurs parents leur ont interdit d’exprimer certains sentiments et émotions. Une telle défense grippe le déroulement normal des émotions et des sentiments.

 4. La prise en charge des tâches reliées au deuil

 Une fois que le travail émotionnel du deuil aura bien progressé, il restera à accomplir des tâches concrètes conséquentes au deuil. Quelles sont-elles? Il s’agira de réaliser les promesses faites au défunt; exécuter les rituels funéraires prescrits par la coutume; ranger les photos du défunt dans un album; se défaire de ses vêtements et de ses objets personnels; garder un ou deux souvenirs en mémoire du disparu, etc. Ces gestes en apparence insignifiants contribueront beaucoup à accélérer Le travail du deuil. Car, en les posant, l’endeuillé démontrera â lui-même et aux proches qu’il est bien engagé dans l’acceptation de la mort de l’être cher.

 5. La découverte du sens de sa perte

 L’expression des sentiments et des émotions et l’exécution des tâches concrètes conséquentes au deuil permettent à l’endeuillé de prendre peu à peu ses distances vis-à-vis du décès. Le deuilleur n’est plus tout absorbé dans le monde de ses émotions; il aura commencé à mettre sa perte en perspective. Le temps sera venu pour lui de se demander quel sens pourra prendre sa perte affective et comment il poursuivra sa vie à l’avenir. Au lieu de rester dans un état d’âme de désolation, il en profitera pour mieux se connaître et pour puiser dans ses ressources personnelles. Il exploitera davantage ses forces en l’absence de l’être aimé.

 Enfin, il en viendra à reconnaître qu’à la suite de son malheur, il aura mûri et aura trouvé de nouveaux sens dans sa vie. Alors, le temps est venu de réfléchir sur le sens spirituel de son existence et de sa perte en se posant les questions suivantes:

  •  Qu’est-ce que j’ai appris sur ma vie en l’absence de l’être cher?
  •  Quel sens prendra ma vie après la mort de la personne aimée?
  •  Y a-t-il une vie après la mort? On se posera alors la question de l’au-delà : soit la résurrection, soit la réincarnation ou soit le néant.
  •  Après ma mort, existe-t-il un ciel ou un lieu de rencontre permettant de revoir tous les parents et les proches disparus?
  •  Pourquoi un Dieu si bon est-il venu chercher mon fils? La colère contre un dieu sadique ne serait-elle pas de mise?
  •  La résurrection des corps aura-t-elle lieu immédiatement après la mort ou seulement à la fin des temps?, etc.

 Beaucoup de psychologues et thérapeutes du deuil laissent tomber ce questionnement sur le sens, croyant faussement que le deuil se termine à la fin de l’étape des émotions.

 6. L’échange de pardons

 À l’expérience, j’ai pu constater la nécessité de pardonner pour achever le processus de deuil. L’endeuillé qui sera parvenu à accorder son pardon au défunt pour ses fautes et surtout pour son départ, se libérera des restes de la colère que le départ de l’être cher aura provoquée en lui.

 Par contre, en demandant pardon au défunt pour ses propres faiblesses et ses manques d’amour, l’endeuillé réduira d’autant l’intensité de son sentiment de culpabilité. L’échange de pardons qu’il effectuera avec son cher disparu lui apportera une grande paix. Grâce à la réconciliation, il se sentira en paix avec lui-même et se trouvera disposé à accueillir son héritage.

 7. La prise de possession de son héritage

 L’héritage spirituel consiste à se réapproprier tout l’amour et les rêves dont l’être aimé aura été l’objet. Autrement dit l’héritage consiste à reprendre à son propre compte ce qu’il avait admiré et aimé chez l’autre au moment de l’amour-fusion. L’endeuillé a le pouvoir d’incorporer dans sa vie les qualités et les talents appréciés chez le cher disparu, à condition, bien entendu, d’avoir consenti à le laisser partir. En vue d’aider les endeuillés à recevoir leur héritage spirituel.

 Pour terminer, permettez-moi de vous affirmer que le deuil n’a rien à voir avec une maladie chronique, comme d’aucuns le prétendent, mais c’est un passage obligé temporaire. Il ne dure qu’un temps, le temps de «faire son deuil».

 L'hypnose vous aide à accepter sans oublier. Vos émotions sont passées, le travail de deuil est terminé. Vous êtes en paix avec vous-même.

Vous êtes alors capable de retrouver vos souvenirs sans souffrir.